FIGURE INTELLECTUELLE DE L’ISLAM LIBÉRAL, CET ÉCRIVAIN ET PHILOSOPHE MET INLASSABLEMENT SES LIVRES ET SON ENGAGEMENT AU SERVICE D’UNE SOCIÉTÉ PLUS FRATERNELLE.
Le philosophe commence toujours par clarifier le sens des mots. Ainsi, face au vaste sujet de la puissance des liens, une question s’impose : de quels liens et de quelle puissance parle-t-on ? Trois liens se distinguent, qui sont vitaux, essentiels à notre vie et à l’humanité, parce qu’à travers le canal de ces liens passe notre nourriture essentielle : le lien à soi, le lien aux autres et le lien à la nature. C’est ce que j’appelle le « triple lien ».
La puissance de ces liens vient de ce qu’ils nous relient à une source d’énergie supérieure, transcendante, et si nous devons reprendre conscience aujourd’hui de leur force, de leur nécessité primordiale, de l’importance de leur bonne santé, c’est parce que nous sommes dans une situation de civilisation où leur ressource est devenue, plus que jamais, indispensable … Sans eux, nous resterons impuissants face à l’ampleur des défis et des désordres de notre temps, qui correspondent d’ailleurs à la rupture ou à la souffrance de tous ces liens : les liens à soi, à l’autre, à la nature, sont terriblement abîmés, de sorte que non seulement tout se désagrège, mais que nous-mêmes, privés de l’énergie des liens fondamentaux, nous n’arrivons pas, nous n’arrivons plus à réparer le tissu déchiré du monde, qui n’en finit plus de s’effilocher de toutes parts.
Souffrance des liens, et donc souffrance des sociétés, souffrance du vivant, et misère de l’humain… tel est le résultat de toutes nos situations de séparations.
Une crise généralisée du lien
Nous vivons à ce pont séparés, dissociés, divorcés de nous-mêmes, les uns des autres, et du vivant que nous avons désormais la plus importante, la plus urgente, la plus décisive des responsabilités collectives pour qu’émerge un futur pour l’humanité et en même temps une régénération de la Terre : devenir des tisserandes et des tisserands, qui, ensemble, vont réparer ces liens brisés, endommagés et, ainsi, reconstituer le tissu déchiré du monde. Devenons ces tisserandes et ces tisserands qui chacune et chacun à son échelle, à sa façon, selon le génie propre de nos personnalités et de nos différents collectifs vont réparer de concert, tout ce qui a été endommagé du lien à soi, du lien à l’autre et du lien à la nature…
Comme on libère les eaux de rivières qui ne coulait plus, comme on fait à nouveau circuler dans nos veines un sang qui ne passait plus.
Nous traversons une situation de crise généralisée de lien, et cette crise du lien est la mère de toutes les crises, comme autrefois il existait une mère de toutes les batailles. Voilà pourquoi nous revenons aujourd’hui à la question du lien, voilà pourquoi nous considérons que le combat pour renouer nos liens est essentiel. Munis de cette image du triple lien, forts de ce grand récit de la réparation du tissu déchiré du monde , emplis de cette grande espérance et confiants en la puissance de nos liens retrouvés, nous pourrons, je l’espère, passer d’une civilisation de souffrance des liens à une civilisation heureuse, et grandir en humanité, faire un saut d’humanisation, car à travers nos liens c’est aussi l’énergie d’un éveil de conscience , d’un progrès d’être et d’esprit que nous recevons.
Trois questions à Abdenour Bidar :
- Quel est le lien qui a le plus compté dans votre histoire ? Le lien à la présence invisible et visible du divin, depuis toujours, en tout, à chaque instant.
- Quel lien avez-vous avec la nature ?Je me suis toujours perçu comme une « force de la nature », au sens littéral de l’un de ses souffles.
- En quoi la dimension du lien avec soi-même est-elle importante aujourd’hui ?Seule la libération de la lumière qui nous traverse à partir du cœur peut maintenant réenchanter le monde.
Extrait du livre : « LA PUISSANCE DES LIENS, COMMENT LES LIENS AUX AUTRES, AU MONDE ET À SOI NOUS RENDENT PLUS FORTS » écrit sous la direction d’Ilios Kotsou et Caroline Lesire, édition L’Iconoclaste.